Posted on March, 19 1999
Paul Wagaba était âgé de 31 ans. Il était venu à Bwindi en 1997. Il a d'abord été en service à Ruhija, dans le secteur sud du parc. En juin 1998, il a été tranféré à Buhoma, dans la partie touristique, où sont également situées les infrastructures de la zone protégée.
Au moment de sa mort, Paul occupait deux postes liés à la gestion. Il était aussi responsable de l'application de la loi dans ce parc où le personnel manque cruellement. C'est sans doute cette fonction qui lui a coûté la vie : les assaillants Interahamwe, qui étaient à la recherche d'armes, l'ont probablement visé en premier.
Benon Mugyerwa, son compagnon d'études, collègue et ami de longue date, n'a pas manqué de répéter combien la disparition de Paul laisserait un vide à Bwindi, tant en raison de ses compétences que de son dévouement pour la cause de la nature. � Paul était un modèle pour les jeunes gardiens et les rangers qui l'ont accompagné. Il ne rechignait jamais à leur prodiguer conseils et aide lorsqu'ils en avaient besoin �, raconte-t-il.
Gardien chargé des liens entre la conservation et les communautés locales, Paul a joué un rôle majeur pour rapprocher les intérêts du parc de ceux des populations qui vivent dans ses abords immédiats. Lorsque la zone a été déclarée protégée en 1991, cela a provoqué des tensions. Les villageois étaient habitués à tirer tout ce dont ils avaient besoin du parc et ils ont perçu l'application de la loi comme une contrainte difficile à supporter. Des programmes pilotes ont alors été lancés en 1993 afin de laisser les résidents locaux utiliser les ressources non ligneuses dans certains endroits de la forêt, adjacents à leurs territoires.
Les gardiens qui ont travaillé étroitement avec les communautés indigènes ont notamment permis de déterminer quelles ressources étaient essentielles pour ces dernières. Ils ont aussi contribué à choisir les représentants des villages qui auraient accès au parc, et incitèrent finalement les résidents à participer à la protection de la forêt impénétrable en tant que partenaires.
De par ses excellentes relations avec les villageois, Paul Wagaba s'est vu confier la tâche de représenter le parc au Comité communautaire de surveillance du Fonds pour la conservation de la forêt impénétrable de Bwindi. Il a aussi présenté de multiples programmes d'éducation aux enfants de la région et à des groupes d'écoliers visitant la zone protégée.
Avec de telles responsabilités, Paul devait obligatoirement être un bon communicateur. Et il l'était. Qu'il ait eu l'estime et la confiance de toutes les personnes qu'il a côtoyées, quel que soit leur âge, leur niveau d'éducation ou leur milieu, n'a dès lors rien de surprenant.
Ses évidentes capacités avaient déjà été remarquées lors de son séjour au Katwe Wildlife College de 1993 à 1995. � C'est l'un des meilleurs étudiants que j'aie jamais eus, particulièrement doué au niveau de la communication �, se rappelle Dennis Babasa, l'un de ses professeurs et, plus tard, collègue à Bwindi dans le cadre du programme de suivi écologique mené par l'Institut pour la conservation de la forêt tropicale.
Dominic Bayarungaba, coordinateur local pour le Programme � Peuples et plantes � se souvient quant à lui de la rapidité avec laquelle Paul - dont la la langue maternelle était le luganda - était capable d'apprendre le rukiga pour parler avec les villageois dans leur propre dialecte.
Benon Mugyerwa ajoute que les cours qu'il avait suivis avec Paul couvraient tous les aspects de la gestion des aires protégées et que son ami excellait dans ce domaine. Après avoir été le meilleur diplômé du Katwe Wildlife College en 1995, Paul Wagaba fit ses débuts comme gardien au Refuge de faune de Katonga, avant de passer aux Parcs nationaux de l'Ouganda (aujourd'hui Association pour la faune et la flore sauvages de l'Ouganda) et à à Bwindi.
Il a été en contact avec de nombreuses ONG actives dans la région du parc, dont le WWF, qui y mène son programme � Peuples et plantes � et soutient l'Institut pour la conservation de la forêt tropicale. Il a également participé à plusieurs séminaires et cours de formation.
Toujours désireux de parfaire son savoir et d'exercer ses talents de médiateur entre populations locales et direction du parc, Paul Wagaba a mis toutes ses connaissances et qualités au service de la conservation. Sa contribution à cette cause et son aptitude à forger un véritable partenariat pour le plus grand bénéfice d'un écosystème unique resteront gravés dans la mémoire de toutes celles et ceux qui ont eu l'immense privilège de travailler avec lui.
(897 mots)
Nancy Thompson-Handler est une collaboratrice de l'Institut pour la conservation de la forêt tropicale au parc national de la forêt impénétrable de Bwindi.