Des braconniers arrêtés dans le parc marin national du récif de Tubbataha

Posted on March, 25 2002

Des braconniers chinois, le plus souvent multirécidivistes, ont été pris en flagrant délit dans le Parc marin national du récif de Tubbataha, l'un des écosystèmes marins les plus riches et les plus variés du monde.
Manille, Philippines - Cela n'aurait jamais dû se produire sur ce site. Le 1er février 2002, quatre navires de pêche chinois ont été arrêtés pour braconnage, à l'intérieur du Parc marin national de Tubbataha. Les autorités philippines ont saisi plusieurs sacs de tridacnes (Tridacna gigas), 54 tortues de mer, et une quantité non déterminée de dynamite et de cyanure. De surcroît, elles ont vu les braconniers jeter par-dessus bord un grand nombre de tortues marines, de poissons Napoléon, ainsi que plusieurs dauphins et requins.

Les navires provenant de Hainan, en Chine, ont été escortés de Tubbataha jusqu'à Puerto Princessa par la Marine philippine, les garde-côtes philippins et plusieurs civils préoccupés par ce problème. Le Conseil de Palawan pour le Développement durable, représenté par son Directeur général et avoué, Joselito Alisuag, a déposé différentes plaintes à l'encontre des 117 Chinois pour violation de trois sections du Code philippin de la Pêche de 1998 : braconnage ; pêche au moyen d'explosifs, de substances nocives ou toxiques ; et pêche ou capture d'espèces rares, en danger, ou menacées d'extinction. À ce jour, seule l'accusation de braconnage a été instruite devant le tribunal. Le braconnage est passible d'une amende pouvant atteindre 100 000 $ US, accompagnée de la confiscation de la prise, du matériel et du navire.

La prise et le matériel confisqués représentent des preuves accablantes à l'encontre de ces pêcheurs, dont plusieurs membres ont été arrêtés pour braconnage à deux reprises déjà. En dépit de cela, plusieurs éléments pourraient empêcher de mener à bien les poursuites : la partialité d'un juge ou d'un autre représentant de la loi ; la méconnaissance des lois applicables de la part d'un juge ou d'un autre représentant de la loi ; l'intervention de tierces parties (par exemple, le gouvernement chinois, des personnes prenant la défense de la Chine, et/ou des agences gouvernementales philippines) ; ou l'incapacité des témoins à apporter leur témoignage.

Le WWF, par l'intermédiaire du Bureau du Parc de Tubbataha, surveille de près la situation. Selon Lory Tan, Président du WWF-Philippines, "la Chine représente à la fois l'un des meilleurs partenaires commerciaux et l'une des pires menaces pour l'archipel philippin. Le monde de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) doit être fondé sur le respect mutuel. Si les Chinois continuent de faire ouvertement du braconnage dans nos eaux, d'enfreindre nos lois, et de s'en tirer à bon compte � avec l'aide de nos propres représentants du gouvernement � le libre-échange ne marchera jamais, et l'environnement en fera les frais."

Plusieurs lois nationales et un accord international ont interdit le commerce, la possession et la chasse des tortues marines et d'autres espèces vivant dans l'archipel philippin. Au tout premier plan, le Code philippin de la Pêche interdit le braconnage et l'utilisation de cyanure dans les eaux philippines. Par ailleurs, la loi sur la faune sauvage interdit la capture des tortues marines, reconnues comme une espèce menacée aux Philippines, et la loi sur le système national intégré de zones protégées interdit de chasser, de détruire, de posséder ou de déranger les espèces évoluant dans une zone protégée. Les tortues marines et les tridacnes, retrouvés dans les navires, sont également couverts par la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction), qui interdit la possession et le commerce d'espèces en danger et menacées d'extinction.

Sans parler de la violation des lois sur la protection de l'environnement, il convient de préciser que l'équipage chinois n'était même pas muni de l'autorisation de pêcher dans les eaux territoriales philippines, ce qui représente une grave infraction des lois sur l'immigration.

Le complexe récifal de Tubbataha, au milieu de la mer de Sulu, compte parmi les écosystèmes marins les plus riches et les plus variés au monde. En 1988, ce site (soit 33 200 hectares de superficie) est devenu officiellement le premier Parc marin national des Philippines. Il abrite au moins 300 espèces coralliennes, 8 espèces de mammifères marins, 380 espèces de poissons, 7 espèces d'herbiers, et 71 espèces d'algues marines. L'UNESCO a inscrit le récif de Tubbataha sur la liste du Patrimoine mondial en 1993, en raison de sa biodiversité éminemment représentative. La région est l'une des dernières zones marines encore intactes dans le monde, et également une destination très prisée pour la plongée.

Le WWF soutient la protection du complexe récifal de Tubbataha, qui est essentiel pour la viabilité des écosystèmes dans toute l'Asie du Sud-est. Les recherches scientifiques indiquent que Tubbataha pourrait constituer une source importante du corail, des invertébrés, et des larves de poissons vivant dans les autres récifs des Mers de Sulu et des Célèbes.

Le projet de Tubbataha, financé par l'USAID (l'Agence américaine pour le développement international), la Fondation Packard, et le GEF (Fonds Global pour l'Environnement), vise à protéger le récif de Tubbataha à travers des activités de recherche et de surveillance, ainsi qu'en soutenant une commission présidentielle sur le Parc marin national du récif de Tubbataha. De plus, des membres du personnel local du WWF à Palawan ont été agréés comme gardes-pêche et chargés de faire respecter les lois sur l'environnement pour contribuer activement à l'application des règles concernant la pêche et l'interdiction de mouillage à l'intérieur du parc marin.

Le WWF-Philippines est également activement impliqué dans une campagne d'information et d'éducation à l'intention de communautés qui exploitent traditionnellement les ressources situées à l'intérieur et aux alentours du récif de Tubbataha, telles que sur les îles de Cagayancillo et de Cavilli. La campagne vise à sensibiliser ces communautés à l'importance d'utiliser des pratiques de pêche qui aident à préserver les récifs.

Il faut espérer que la sauvegarde de ce site restreint permettra de préserver les autres mers, ainsi que les populations qui dépendent de leurs ressources.

*Ina Pozon est chargée de communication au WWF-Philippines.