Manchots du Cap: une opération de sauvetage sans précédent

Posted on July, 07 2000

La marée noire provoquée par le cargo Treasure, qui a coulé entre les îles de Robben et de Dassen, en Afrique du Sud a souillé des côtes qui abritent 40 pour cent de la population mondiale de manchots du Cap, dont des milliers d'individus ont été mazoutés. Le sauvetage de ces derniers a fait l'objet d'une collaboration massive entre spécialistes de la conservation des oiseaux, autorités côtières, responsables de la réhabilitation des oiseaux mazoutés et plongeurs. La coordination des questions logistiques a également demandé beaucoup de doigté. Le WWF-Afrique du Sud s'est particulièrement impliqué dans le processus.

Le Cap, Afrique du sud: Serrés les uns contre les autres le long d'une barrière haute d'un demi-mètre, un groupe d'une centaine de manchots du Cap observent un brin effrayés ces humains qui s'approchent d'eux en portant de grosses boîtes en carton. Ils n'ont aucun moyen de s'enfuir, la barrière les entoure et bloque tout accès à la mer. La scène semble dramatique, mais elle fait partie d'une opération de sauvetage sans précédent, destinée à sauver l'une des espèces d'oiseau les plus menacées de la planète d'un danger qui pourrait lui être irrémédiablement fatal. Les personnes qui avancent avec leurs boîtes en carton font partie de la Western Cape Nature Conservation. Elles vont capturer les manchots pour éviter qu'ils n'aillent à la mer et s'engluent dans une nappe de pétrole.

La marée noire a été provoquée par le cargo "Treasure", qui a coulé entre les îles de Robben et de Dassen après avoir vainement tenté de trouver refuge dans le port du Cap. Plus de 400 tonnes de mazout lourd se sont échappées de ses réservoirs et sont venues souiller les côtes de Robben et menacer celles de Dassen. Ces deux îles abritent 40 pour cent de la population mondiale de manchots du Cap. L'accident a donc mobilisé spécialistes de la conservation, scientifiques et experts de la lutte contre les marées noires dans une folle course contre la montre.

Les manchots du Cap sont endémiques à l'Afrique du Sud et à la Namibie. Ils étaient près d'un million et demi d'individus, il y a cent ans. Ils ne sont plus que 150 000 aujourd'hui, concentrés sur des îles telles que Robben ou Dassen et extrêmement vulnérables aux nappes de pétrole qui viennent régulièrement polluer la région.

Les oiseaux de mer paient toujours un lourd tribut lors de tels accidents. Comme les manchots ne volent pas et qu'ils passent une bonne partie de leur temps à marsouiner à la surface de la mer, ils ont d'autant moins de chances d'échapper au mazoutage lorsqu'une marée noire se produit à proximité de leur colonie. Le sauvetage des manchots ainsi que les efforts entrepris pour éloigner la nappe ont fait l'objet d'une collaboration massive entre spécialistes de la conservation des oiseaux, autorités côtières, responsables de la réhabilitation des oiseaux mazoutés et plongeurs. La coordination des questions logistiques, et notamment des bénévoles, des hélicoptères et des boîtes destinées au transport des manchots, a également demandé beaucoup de doigté. Le WWF-Afrique du Sud s'est particulièrement impliqué dans le processus.

SANCCOB, la Fondation nationale sud-africaine pour la conservation des oiseaux côtiers, est la référence mondiale en matière de nettoyage de manchots mazoutés. Elle a mis immédiatement à disposition ses installations et son savoir-faire. Le WWF-Afrique du Sud s'est chargé de recueillir des fonds à même d'assurer le financement des opérations. Les manchots mazoutés ont été recueillis par des équipes de volontaires, et ce sont d'autres volontaires qui les ont pris en charge aux différents centres de nettoyage et de réhabilitation.

Quant aux manchots encore propres, il s'agissait d'éviter qu'ils rejoignent la mer, d'autant que l'épave pouvait à tout moment libérer davantage de mazout. C'est ainsi qu'a commencé la plus importante évacuation de faune sauvage depuis l'Opération Noé lors de l'inondation causée par le Lac Kariba au Zimbabwe. Des barrières ont d'abord été érigées autour des colonies de manchots de l'île de Dassen. Ensuite, les oiseaux ont pu être facilement attrapés et placés dans des caisses, avant d'être rassemblés sur un site central d'où un hélicoptère affrété par le WWF-Afrique du Sud les a ramenés sur le continent en trois minutes. Là, des camions les attendaient pour les acheminer vers Port Elizabeth, à 900 kilomètres plus à l'est où, après un voyage de 14 heures, ils seraient relâchés dans les eaux propres de la baie d'Algoa. L'idée de cette translocation était de terminer le nettoyage de la marée noire durant les quelque deux semaines que mettraient les manchots pour revenir sur leur île.

Trois des manchots relâchés à Port Elizabeth - Peter, Pamela et Percy - ont été équipés d'émetteurs permettant aux scientifiques de suivre leurs évolutions par satellite et de se faire une idée plus précise de la vitesse avec laquelle ils sont en mesure de faire le voyage du retour. Leurs déplacements sont constamment mis à jour sur le site Internet de l'Université du Cap (adresse: http://www.uct.ac.za). Peter, le premier des trois à être relâché (le 30 juin 2000) a couvert les 150 premiers kilomètres en 6 jours. Le principal danger qui le menace, lui et ses compagnons, sont les grands requins blancs.

Cette opération de sauvetage sans précédent pour les manchots du Cap n'aurait sans doute pas été possible sans la générosité de toutes celles et ceux qui ont offert du temps et de l'argent. Il faut savoir que 20 000 manchots mangent 10 tonnes de poisson chaque jour et que ce poisson n'est pas gratuit, pas plus que ne le sont les hélicoptères ou les camions. La facture finale s'élèvera à plusieurs millions de dollars US.

C'est lors de crises comme celle-ci que le WWF peut véritablement faire la différence. Il n'existe en effet aucun financement garanti par avance. Les assureurs de bateau ont certes promis une compensation, mais reste à savoir s'ils tiendront leur promesse. C'est donc à la fois grâce au travail des bénévoles et au soutien d'importants sponsors que le sauvetage des manchots du Cap pourra réussir et qu'il subsistera un espoir pour l'avenir de l'espèce

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* Chris Harbard est un collaborateur de la Société royale pour la protection des oiseaux, en Grande-Bretagne.