A la sauvegarde du monarque

Posted on August, 27 1999

Une collaboration entre un scientifique américain et le WWF-Mexique contribue à préserver les conditions adéquates pour l'hivernage des colonies de monarques.
Mexico City, Mexique : Ses professeurs ne savaient pas à quoi il rêvait en classe. Ils devinaient que son esprit était ailleurs mais quant à savoir où ? En train d'explorer les planètes ? De conduire des bolides ? De gravir des montagnes ? De s'évader avec un ami imaginaire ?

En fait, personne ne le lui a jamais demandé. La réponse aurait pourtant été des plus simples : son esprit était avec les papillons, les vrais, ceux qui volent dans la lumière du soleil. Et il s'interrogeait : volent-ils ou sont-ils portés par le vent ? Où vont-ils et combien de temps vivent-ils ?

Il était notamment fasciné par les monarques (Danaus plexippus). Il les voyait en été chez lui, dans le New Jersey. Il avait lu qu'ils migraient vers le sud - au Texas - à l'arrivée des premières gelées. Mais ensuite, qu'advenait-il d'eux ? Poursuivaient-ils leur route, plus au sud encore ? Et comment se faisait-il qu'ils revenaient chaque été dans le New Jersey ?

Autant de questions que se posait à l'époque le Dr Lincoln Brower. Sans savoir qu'elles allaient le mener dans l'Etat de Michoacan, au Mexique. En 1976, alors que les spécialistes cherchaient à connaître la destination précise des millions de monarques qui quittaient l'est des Etats-Unis et le sud du Canada en hiver, il décida en effet de suivre le voyage des papillons.

La migration des monarques restait une énigme pour les entomologistes et faisait l'objet de recherches depuis le début du siècle. Fred A. Urquhart, de l'Université de Toronto, et sa femme Norah entreprirent de marquer les ailes des papillons afin de ne pas perdre leur trace. Ils recrutèrent des assistants bénévoles par le biais de petites annonces dans les journaux américains et mexicains. L'un d'eux, Kenneth Brugger - un Américain établi à Mexico City comme vendeur de sous-vêtement - repéra une nuée de monarques dans les montagnes entourant la capitale mexicaine. Il poursuivit ses observations et, en janvier 1975, découvrit la première colonie en hivernage. Urquhart publia un article sur cette découverte dans le numéro d'août 1976 du National Geographic mais sans en révéler la location exacte.

C'est tout ce qu'il fallait au Dr Bower pour qu'il se lance à son tour à la recherche des monarques. Il ne s'imaginait pas que ce qu'il allait trouver le ferait régulièrement au cours des 20 années suivantes. Les millions de papillons couvrant les branches et les troncs des oyamels (un arbre local) l'émerveillèrent au point qu'il décida de se consacrer à leur étude.

Lors de son premier voyage au Mexique, en janvier 1977, le Dr Bower remarqua que les forêts où hivernaient les monarques étaient massivement exploitées. � Nous n'en finissions pas de voir des grumes empilées et des arbres abattus. Même ceux qui étaient couverts de papillons n'étaient pas épargnés. Il y avait un propriétaire de scierie, dans la région de Chincua, qui opérait directement dans le secteur où se trouvaient les colonies de monarques. Il a finalement été exproprié par le gouvernement mexicain �, raconte-t-il.

En 1986, le site devint une � Réserve spéciale de biosphère pour les monarques� sur décret présidentiel. Cinq des aires d'hivernage connues du papillon furent placées sous protection, avec un noyau central exempt de toute exploitation forestière et une zone tampon ouverte à des abattages limités. La superficie totale de la réserve est de 16 110 hectares dont 4 490 hectares pour le noyau central. La plus grande partie de ce territoire est en propriété communautaire mais les propriétaires n'ont pas reçu de compensation suffisante pour les limitations d'exploitation imposées par le décret. De sorte qu'il y a eu des entorses continuelles aux règles établies, ce qui mettait en danger la survie des monarques.

En novembre 1997, lors de la Conférence nord-américaine sur le monarque, les autorités environnementales mexicaines ont accepté de réviser le décret. A l'issue de la réunion, le Dr Bower et le WWF-Mexique ont entamé une collaboration destinée à fournir aux autorités un moyen d'évaluer les aires protégées et d'en créer de nouvelles. Ses observations et celles de ses collègues Dr William Calvert, Eligio Garcia Serrano, Eduardo Rendón ainsi que du Procureur mexicain pour l'environnement ont été introduites dans une banque de données. Grâce à celle-ci, un Système d'information géographique (SIG) va permettre de délimiter des zones de conservation basées sur les besoins biologiques des monarques. Les résultats contribueront à développer un plan de conservation adapté à ces exigences.

A côté de sa collaboration avec le WWF, le Dr Bower continue ses propres travaux au Mexique. Chaque hiver, il fait le déplacement vers le sud, accompagné de sa grosse valise noire et de son filet à papillons. Année après année, il est fidèle au rendez-vous dans les forêts d'oyamels, déterminé à faire tout son possible pour sauver les quartiers d'hiver de ses chers monarques. � Je ne relâcherai pas mes efforts pour préserver cette fascinante migration. Le monde ne peut pas se permettre de perdre une telle merveille, ni la myriade d'informations scientifiques que fournit l'un des phénomènes naturels les plus extraordinaires du globe �, conclut-il.

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* Monica Missrie est responsable de projet au Bureau du programme du WWF au Mexique