Les primates du Nigeria en grand danger

Posted on April, 27 1999

Un vaste commerce illégal facilité par la corruption au plus haut niveau pourrait exterminer la population de primates du sud du Nigeria
Lagos, Nigeria: Le trafic dont sont victimes les primates au Nigeria n'est pas nouveau, mais ce n'est que récemment que ce commerce illégal est apparu au grand jour.

L'exportation illicite d'espèces menacées de singes a été pour la première fois portée à l'attention du public en avril 1995, lorsque les douaniers philippins interceptèrent à l'aéroport de Manille une cargaison comprenant sept drills et un bébé gorille en provenance du Nigeria. Les primates ont finalement été renvoyés dans leur pays en juillet 1997.

Moins de deux mois plus tard, cinq hommes d'affaire chinois en partance pour Hong Kong étaient arrêtés à Amsterdam en possession de grosses quantités d'ivoire et de peaux d'origine nigériane. Les trafiquants furent relâchés après paiement d'une amende de 7 000 dollars US.

Une récente enquête menée par Mike Pugh, le représentant pour l'Afrique de la WSPA (Société mondiale pour la protection des animaux), a révélé que le commerce illégal de faune sauvage a atteint un niveau sans précédent au Nigeria.

Se faisant passer pour un acheteur, Pugh a découvert comment des fonctionnaires du gouvernement étaient directement impliqués dans le trafic. Par exemple, à Kano, dans le nord du pays, deux responsables de la faune étaient prêts à lui fournir � contre paiement � 44 chimpanzés et trois gorilles par année.

Pugh obtint également des informations sur certains trafiquants, dont un spécialisé dans l'exportation illégale de gorilles vers le Pakistan et un autre connu pour faire passer chaque année 40 chimpanzés et huit gorilles en Egypte.

Lorsqu'il s'est dit intéressé à faire sortir du Nigeria des chimpanzés et quelques autres primates rares, les officiels du Département de la faune sauvage de l'Etat de Kano lui ont fait savoir que cette opération était contraire à la loi. Néanmoins, d'après une lettre de la WSPA adressée au gouvernement nigérian l'année passée, Pugh a finalement réussi à obtenir un permis moyennant le versement d'un pot-de-vin.

Dans la foulée, il n'a eu aucune peine à se procurer � auprès d'un autre service � un certificat de santé pour les animaux qu'il souhaitait exporter. En revanche, personne n'a demandé à voir ces derniers.

De telles pratiques sont choquantes. Elles n'ont pourtant rien d'extraordinaire au Nigeria. Ce pays compte une riche diversité d'espèces animales mais celles-ci ont été largement décimées par les effets conjugués de la chasse, du braconnage et des feux de brousse.

On estime qu'une cinquantaine d'entre elles ont déjà disparu depuis les années 1970. Une trentaine d'autres sont menacées et pourraient s'éteindre au cours des dix prochaines années, selon les spécialistes.

�Parmi les espèces que l'on ne trouve plus dans le pays, il faut citer le guépard, l'hippopotame nain, les girafes, le rhinocéros noir et l'élan de Derby�, note le rapport d'une commission d'enquête que le gouvernement nigérian a mis en place l'année passée. � dix à douze espèces de primates, parmi lesquelles les cercopithèques de Sclater et à cou blanc, sont menacées à cause de la destruction de leur habitat et la déforestation�, peut-on encore lire dans le document.

Le cercopithèque de Sclater n'a pas trop souffert du braconnage car les communautés locales lui attribuent des vertus sacrées, ce qui rend taboues sa chasse et sa consommation. Par contre, la majeure partie de son habitat a été détruit par l'exploitation forestière. Aussi, en collaboration avec le WWF, la Nigerian Conservation Foundation (NCF) a récemment créé la réserve de Okomu pour les espèces menacées.

D'autres primates, comme les gorilles des plaines, les chimpanzés et les drills n'ont pas eu autant de chance que le cercopithèque de Sclater. Ils sont particulièrement prisés par les trafiquants mais également chassés pour leur viande. Les écologistes locaux exhortent le gouvernement à prendre des mesures en faveur de la protection des espèces en danger d'extinction. Certains exigent que les lois sur la faune soient correctement appliquées, d'autres que les contrevenants soient plus sévèrement punis qu'actuellement.

Mais alors que les protecteurs de la nature s'emploient à sauver les primates, il est parallèlement essentiel de trouver d'autres sources de revenus pour les chasseurs locaux.

�Sans cela, l'avenir des primates du sud du Nigeria est compromis�, prévient Jennifer Scell, directrice de Cercopan, une organisation non gouvernementale qui s'occupe d'un centre de conservation et de réadaptation des singes forestiers à Calabar.

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* Abiodum Raufu travaille pour le Saturday Punch à Lagos, au Nigeria.