HISTORIQUE DE LA CHASSE A LA BALEINE ET DE LA COMMISSION BALEINIERE INTERNATIONALE

Posted on June, 01 2005

HISTORIQUE DE LA CHASSE A LA BALEINE ET DE LA COMMISSION BALEINIERE INTERNATIONALE
 
D’OU VIENT L’IDEE DE LA COMMISSION BALEINIERE INTERNATIONALE ET POURQUOI ?

 
La chasse à la baleine remonte au XIe siècle, époque où les Basques commencèrent à chasser la baleine franche de Biscaye (aujourd’hui l’une des espèces de grands cétacés les plus menacées). Ils furent suivis tout d’abord par les Néerlandais et les Britanniques, puis par les Américains, les Norvégiens et de nombreux autres pays. La baleine à bosse et le cachalot devinrent les victimes suivantes de la chasse commerciale à la baleine, afin d’en tirer principalement de l’huile pour l’éclairage et autres usages. A la fin du XIXe siècle, l’industrie de la chasse à la baleine fut révolutionnée par l’invention du bateau à vapeur, rendant possible la chasse à la baleine bleue et au rorqual commun, plus rapides, et du canon lance-harpon, à la portée et la précision accrues. La nouvelle technologie, alliée à la réduction des populations baleinières dans le reste du monde, conduisit à l’expansion de la chasse en Antarctique, où les énormes concentrations de baleines rendaient la chasse à grande échelle extrêmement rentable. La Première guerre mondiale créa un important marché pour les explosifs à la glycérine tirée de l’huile des baleines chassées par les Britanniques et les Norvégiens en Antarctique. Entre-temps, la chasse à la baleine japonaise s’était développée séparément en tant qu’industrie côtière, principalement pour la baleine à bosse, la baleine franche et la baleine grise.
 
Comme les baleines sont des animaux migrateurs fréquentant les eaux côtières comme la haute mer, le besoin d’une coopération internationale pour leur conservation devint évident. En 1925, la Ligue des Nations reconnut que les baleines étaient surexploitées et qu’il était nécessaire de réglementer les activités de chasse. En 1930, le Bureau des statistiques baleinières internationales fut créé afin de surveiller les captures. Il fut suivi par le premier accord de réglementation international, la Convention pour la réglementation de la chasse à la baleine, qui fut signé par 22 pays en 1931. Néanmoins, plusieurs des grands pays baleiniers, y compris l’Allemagne et le Japon, refusèrent de signer la convention, et 43.000 baleines furent tuées cette année-là.
 
De nombreuses espèces de grands cétacés étant au bord de l’extinction, divers pays se réunirent tout au long des années 1930 afin de tenter de réglementer l’industrie. Enfin, en 1948, la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine (ICRW) entra en vigueur. Son préambule déclarait que "Reconnaissant l’intérêt qu’ont les pays du monde à sauvegarder, pour les générations futures, les grandes ressources naturelles que représentent les stocks baleiniers… il a été décidé de conclure une convention oeuvrant à la protection efficace des stocks baleiniers, et rendant ainsi possible le développement ordonné de l’industrie de la chasse à la baleine". La Commission Baleinière Internationale (CBI) fut établie comme son organe de prise de décision, à l’origine avec 14 Etats membres. La CBI se réunit une fois par an et impose une réglementation sur les quotas de capture, les méthodes de chasse et les zones protégées, sur la base d’une majorité aux trois-quarts des votes. Depuis quelques années, la CBI, reconnaissant les nouvelles menaces planant sur les baleines, s’est orientée vers un programme de conservation plus large englobant les prises accidentelles dans les filets de pêche et les préoccupations liées au changement climatique. La chasse à la baleine par les populations indigènes, appelée "chasse aborigène de subsistance", est soumise, par la CBI, à des contrôles différents de ceux imposés sur la chasse commerciale. 
 
Aujourd’hui, la CBI possède 52 Etats membres, y compris des pays baleiniers, d’anciens pays baleiniers et des pays n’ayant jamais eu d’industrie de chasse à la baleine qui ont adhéré afin d’apporter une contribution à la protection des baleines ou de soutenir les intérêts des pays baleiniers.
 
LES SUCCES ET LES ECHECS DE LA CBI

 
Pendant les 15 premières années de son existence, la CBI fut un "club de pays baleiniers" n’imposant pratiquement aucune restriction efficace sur la chasse à la baleine. Les quotas de chasse étaient bien trop élevés et, comme la CBI ne possédait aucun pouvoir de sanction, étaient souvent dépassés. Ces problèmes de gestion résultèrent en l’effondrement spectaculaire des populations de nombreuses espèces de grands cétacés. Un énorme déclin survint notamment dans l’Antarctique, où, pendant la saison 1961/62, plus de 66.000 baleines furent tuées, ce qui constitue un record. Dans ces circonstances, les baleiniers avaient de plus en plus de mal à trouver des baleines à tuer. Alors que la population de baleines bleues était d’environ 250.000 dans l’hémisphère Sud avant le démarrage de la chasse, il est estimé qu’il en reste aujourd’hui moins de 1500.
 
1961 marqua également la création du WWF, qui accepta de relever le défi de renverser le déclin des populations de grands cétacés. Des campagnes ‘Sauvez les baleines’ furent lancées dans le monde entier, appelant à la création de sanctuaires baleiniers et à l’adoption d’un moratoire sur la chasse commerciale à la baleine (particulièrement à la Conférence de l’ONU sur l’environnement humain en 1972). Plutôt que d’imposer un moratoire, la CBI adopta en 1974 une Nouvelle Procédure de Gestion (NMP) fixant les quotas sur la base d’évaluations scientifiques et de critères de durabilité. Mais la NMP n’était en aucun cas préventive : elle dépendait de l’obtention d’informations sur les stocks baleiniers qui n’étaient pas encore disponibles, les quotas étaient encore trop élevés et le pouvoir de sanction était toujours absent. Les populations de grands cétacés continuèrent donc de décliner.
 
A l’occasion de la réunion de la CBI en 1979, un moratoire sur la chasse en bateau-usine (à l’exception du petit rorqual) fut imposé. La CBI fit également de la totalité de l’océan Indien un sanctuaire de baleines. A partir de cette époque, une recherche scientifique non basée sur la chasse (dont une partie était financée par le WWF) fut également menée dans la région. Mais il fut également révélé que l’URSS avait délibérément falsifié le montant de ses prises et vendu la viande au Japon. L’inquiétude des savants, du WWF et des autres organismes de conservation, ainsi que des gouvernements en faveur de la protection allait grandissant.
 
Lors de la réunion de la CBI en 1982, une proposition de moratoire sur toute la chasse commerciale à la baleine, prévue d’entrer en vigueur en 1986, fut présentée par les Seychelles. Le vote fut confortablement remporté avec une majorité de 25 sur 7 et cinq abstentions. Le Japon, la Norvège et l’URSS déposèrent ensuite des objections officielles les exemptant du moratoire, mais le Japon retira son objection à compter de la saison 1987/88.
 
En raison des problèmes rencontrés par la Nouvelle Procédure de Gestion, la CBI demanda au Comité Scientifique d’élaborer un système de gestion efficace permettant d’éviter que la chasse commerciale ne réduise à nouveau les stocks de grands cétacés. En 1994, la Procédure de Gestion Révisée (RMP), un ensemble de règles préventives pour le calcul des quotas, fut votée par la CBI, sans pour cela être adoptée officiellement dans ses règles de fonctionnement. La RMP fait partie d’un Schéma de Gestion Révisé (RMS), qui va également comporter des règles pour la détermination de l’état des populations baleinières, ainsi que l’inspection et l’observation de la chasse commerciale à la baleine. La controverse entourant le besoin d’imposer des contrôles supplémentaires afin d’éviter toute répétition des abus du passé a jusqu’à présent bloqué l’adoption du RMS. 
 
En 1994, après une campagne intensive par le WWF et d’autres organisations non gouvernementales, le sanctuaire baleinier de l’océan Antarctique, d’une superficie de 50 millions de km², a été créé. A long terme, celui-ci devrait permettre le rétablissement des populations baleinières ayant le plus souffert de l’exploitation. Mais, bien que plusieurs pays aient entamé des recherches dans le sanctuaire de l’océan Antarctique, le Japon poursuit sa chasse pseudo-scientifique à la baleine dans les limites du sanctuaire, ainsi que dans le Pacifique Nord.
 
LA SITUATION ACTUELLE A LA CBI

 
Ces dernières décennies, la CBI a pris des mesures encourageantes pour s’orienter vers la protection et l’étude des baleines, notamment en 2003, avec la création d’un Comité de Conservation. Les pays baleiniers (Japon, Norvège et Islande) possèdent néanmoins toujours des industries baleinières puissantes qui cherchent à poursuivre la chasse à la baleine à grande échelle. Ces trois pays exploitent des failles dans la Convention baleinière afin de tuer chaque année plus de 1200 grands cétacés en dépit du moratoire de la CBI sur la chasse à la baleine. La Norvège chasse la baleine dans le cadre de son objection au moratoire, tandis que le Japon poursuit la chasse sous couvert de "recherche scientifique" (voir le document du WWF intitulé "Science irresponsable, chasse irresponsable"). Récemment, l’Islande s’est jointe à la CBI avec une objection officielle au moratoire et, en dépit d’une promesse de ne pas reprendre la chasse commerciale à la baleine avant 2006, a immédiatement entamé un programme de "chasse scientifique". L’adhésion actuelle à la CBI est composée à peu près équitablement de pays baleiniers et non-baleiniers, ce qui résulte en une impasse politique rendant impossible l’obtention des ¾ des votes nécessaires au changement. Dans l’ensemble, la chasse à la baleine se poursuit et augmente tous les ans sans aucun contrôle international.
 
Pendant que le débat faisait rage sur la meilleure manière de gérer la chasse commerciale à la baleine, la CBI, par l’intermédiaire de sa Commission et de son Comité Scientifique, a commencé à s’attaquer aux nouvelles menaces à la survie de toutes les populations de grands cétacés. Parmi les importantes questions de conservation abordées, citons : la protection des "petits" cétacés; les prises accidentelles dans les filets de pêches (prises accessoires); l’observation des baleines; la protection des espèces et des populations en danger; les baleines et leur environnement (y compris les produits chimiques toxiques et autres pollutions marines); la gestion de l’écosystème; les sanctuaires; l’application des règlements; la gestion de la "chasse scientifique"; et la collaboration avec d’autres organismes. Ces questions, d’une importance vitale pour l’avenir de tous les cétacés, sont désormais toutes abordées dans un programme de conservation varié, mais controversé, au sein de la CBI.
 
LA CBI AU XXIe SIECLE

 
Le mandat principal de la CBI est d’empêcher la reprise de la chasse commerciale à la baleine non réglementée à grande échelle. L’ICRW de 1946 a cependant été négociée à une époque où les menaces planant sur les cétacés n’étaient pas aussi multiples, où la complexité de la chaîne alimentaire marine n’était pas bien comprise, et où le contexte politique était très différent de celui d’aujourd’hui. Plus de 50 ans après l’adoption de la Convention, il est devenu impossible de séparer les menaces posées par la chasse commerciale de celles présentées par la pollution marine, les prises accessoires et la surexploitation des stocks de poisson. Il est aujourd’hui bien préférable, du point de vue de la conservation, de répondre aux menaces planant sur les populations de cétacés dans le cadre d’un contexte multilatéral plus large, comme a commencé à le faire la CBI. L’ICRW est actuellement la seule convention internationale compétente en matière de lutte contre les menaces se posant à l’existence de tous les cétacés. Le WWF pense que la CBI devrait continuer à élargir son mandat afin d’englober toutes les autres activités humaines menaçant les cétacés et se focaliser sur la survie des espèces les plus menacées. 

Chronologie

 
1925 La Ligue des Nations reconnaît la surexploitation des baleines
 
1930 Création du Bureau des statistiques baleinières internationales
 
1931 Premier accord réglementaire international
 
La baleine franche du Groenland est protégée
 
1935 La baleine franche australe et la baleine franche de Biscaye sont protégées
 
1937 La baleine grise est protégée
 
1946 Adoption de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine (ICRW)
 
1949 Création de la Commission baleinière internationale
 
1961 Record de prises de baleines (66 000)
 
1963 La baleine à bosse est protégée dans l’hémisphère Sud
 
1967 La baleine bleue est protégée sont l’hémisphère Sud
 
1979 Création d’un sanctuaire baleinier dans l’océan Indien
 
Moratoire sur la chasse industrielle (à l’exception du petit rorqual)
 
Le rorqual boréal est protégé (avec quelques exceptions)
 
1981 Le cachalot est protégé (avec quelques exceptions)
 
1982 Adoption du moratoire de la CBI sur la chasse commerciale
 
1986 Entrée en vigueur du moratoire de la CBI sur la chasse commerciale
 
1987/8 Le Japon entame son programme de chasse scientifique
 
1989 Le nombre de baleines chassées tombe à son niveau le plus bas (326)
 
1992 Création de la Commission des mammifères marins de l’Atlantique Nord (NAMMCO)
 
1993 La Norvège reprend la chasse commerciale dans le cadre d’une objection au moratoire
 
1994 Création d’un sanctuaire baleinier dans l’océan Antarctique
 
Approbation de la RMP
 
1997 Le Japon et la Norvège tuent plus de 1000 petits rorquals dans le cadre d’un programme de chasse
 
commerciale et "scientifique".
 
2000 Le Japon élargit son programme de chasse scientifique au rorqual de Bryde et au cachalot, ainsi
 
qu’au petit rorqual boréal et austral.
 
2001 La Norvège annonce la reprise du commerce international de la viande et de la graisse de baleine (mais ne parvient pas à ses fins).
 
2002 Le Japon élargit son programme de chasse scientifique au rorqual boréal (en octobre). L’Islande parvient à réadhérer à la CBI avec une objection au moratoire, valable après 2006.
 
2003 L’Islande démarre son programme de "chasse scientifique" au petit rorqual  
Humpback whales gather in Tonga each winter to give birth and mate before returning to Antarctic feeding areas. Tonga
© WWF / Cat HOLLOWAY
Whaler demonstrating a harpoon gun. Norway
© WWF / Morten LINDHARD