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Quelques mots sur moi

De nationalité Malagasy, j'étais encore un étudiant avec un master en sciences environnementales issu d’un institut privé (ISSEG) lorsque j’ai postulé pour devenir volontaire au WWF.
Ayant grandi dans la grande ville d’Antananarivo avec ses murs et ses briques, pour moi la sortie en campagne avec la famille quand j’étais plus petit fut l’un des moments les plus savoureux de mon enfance ! Une nouvelle vision du monde avec de nouveaux horizons ! Avec le temps le plaisir de voyager et de découvrir a grandi encore et encore.
Pendant mes années universitaires j’ai continué à entretenir cette relation avec "dame nature" mais en plus j’ai pris conscience de la vitalité de préserver les espaces naturelles et les espèces. Ainsi, être volontaire au WWF dans le Village de Soahany, région Melaky, était  pour moi une opportunité de participer pleinement à ces actions de préservation de l’environnement.

des bancs de l'université aux réalités sur terrain: un autre apprentissage

Lors des cours en salle, on a la tête bourrée de théories, de livres, d’articles ou de textes de lois. J’approuve leurs importances. Sans balises il est difficile d’avancer correctement dans un domaine aussi délicat que l’environnement où tout est lié et relié (Nature-Homme-Développement) Sur terrain cependant, des contraintes inattendues et même souvent farfelues peuvent survenir que cela soit avec les communautés ou pour la vie en groupe. La capacité de s’adapter à ces situations n’est pas apprise en cours (malgré certaines unités d’enseignements sur la sociologie etc.) car cela dépend de la personnalité, de la compréhension et de la volonté d’aboutir à un bon résultat! La maitrise de soi envers tout type de cas, garder le sourire et la motivation pendant 3 mois et demi sur terrain furent mes plus grandes acquis ! De plus j’ai pu améliorer ma façon de cuisiner aux plaisirs de mes camarades volontaires !
Outre cela, le perfectionnement de mes connaissances écologiques et sur la restauration se sont fait également. J’ai beaucoup appris sur les mangroves et son écosystème par les livres mais autant aussi par les communautés. C’et en faisant l’expérience sur place que l’on se rend vraiment compte qu’aboutir à la conservation n’est pas seulement question de moyen, de technique etc. mais surtout de volonté de la part de tous les acteurs concernés ! La patience et le temps sont également des facteurs clés pour avoir un succès! Ainsi, je peux dire que le savoir, comme l’amour, grandi en le partageant et cela à renforcer le potentiel de chacun je crois. J’ai donné ce que je savais et j’ai reçu en retour, pour moi et pour la nature!

Conseils d'ami

Avant de se lancer, découvrez à l’avance où vous allez ! Avant votre départ soyez curieux pour votre voyage (via des livres, internet, blog …) : les cultures locales, les mœurs, les personnes et surtout la langue nationale car le français et l’anglais ne sont pas forcément courant dans les zones rurales et/ou reculées! Les efforts se feront dans trois sens sur ce sujet: vous, vos camarades et la communauté! Ceci vous permettra de mieux vous imprégner pendant votre séjour et de ne pas trop avoir le blues !
Fixez des objectifs spécifiques pour votre voyage (sur le plan découverte et visite, sur le plan personnel et sur le plan professionnel) pour vous garder motivé dans ce que vous entreprenez ! Avec les rythmes variés de la vie et des séances de travail, il faut avoir un focus sur ces objectifs pour ne pas se perdre dans le décor.
Pour finir, il ne faut pas avoir peur de se lancer et d’avoir des idées! Les efforts que vous allez apporter seront des grandes contributions pour la conservation et dans le cœur des personnes que vous allez rencontrer ! Avec une bonne dose d’empathie et le sourire aux lèvres vous verrez que la différence nous complète plus qu’elle ne nous divise.

Perspectives

J’espère pouvoir continuer d’agir et de travailler dans la préservation de l’environnement dans mes actions futures. Je fais actuellement de la consultance sur la conservation et le développement local. Cependant j’envisage de retourner un certain moment sur les bancs pour peaufiner mes connaissances sur des domaines spécifiques tels l’aménagement du territoire et/ou la biodiversité et le changement climatique. Après cela dépendra des opportunités.
Quelques photos d'ici et là à Soahany

Entre culture et besoins

Un article sur les moeurs et la pauvreté

L’une des plus grandes renommées de la grande île de l’Océan Indien, Madagascar, est sûrement sa biodiversité. Que ce soit pour ses lieux touristiques (l’allée des baobabs, les tsingy de Bemaraha …) ou les valeurs de la nature sur le plan économique ou pour la recherche, les éloges sont nombreux. Aussi, les dilemmes les plus cités concernant mon beau pays tournent également sur ces axes écologie-économie : « grandes richesses naturelles mais populations défavorisées et pauvres » ; certains mêmes n’hésitent pas à utiliser un proverbe national très connu : « mangetaheta ambony lakana », littéralement « avoir soif sur sa pirogue », exprimant l’idée que les Malagasy ont la richesse mais ne savent et/ou ne peuvent pas en tirer satisfaction. J’adhère au point de vu, mais lors de mon intégration en tant que volontaire dans ce programme, dans le paysage Manambolo-Tsiribihina, Région Melaky, District d’Antsalova, Commune Rurale de Soahany, village de Soahany, j’ai découvert une perte, qui d’un point de vue personnel, peut être même plus effrayante que la perte écologique à l’échelle nationale.
Qu’est ce qui caractérise un pays par rapport à un autre ? Selon moi, c’est sa culture qui définit son identité à travers le monde. Et c’est la perte de cette dernière, la culture, dont je veux parler. Madagascar avec ses 18 ethnies et les embranchements, est un pays pluriculturel ! Du « famadihana » (retournement des morts ou exhumation) des hautes terres centrales au « fitampoho » (bain de reliques royales dans le fleuve de Tsiribihina, mœurs de l’Ethnie Sakalava de Menabe) et aux différents « fady » (tabous) de chaque localité, de nombreux mœurs et légendes font vivre et font encore vibrer la communauté Malagasy à travers toute l’île. Pourquoi la perte de cette culture est si grave ? Outre la perte de l’identité culturelle, la perte des mœurs et le non-respect des fady  qui actuellement prennent de plus en plus d’ampleur, peuvent contribuer à la perte écologique et devenir même un obstacle au développement.
Je ne parle pas ici de la pratique de la danse comme le « kilalaky » ou le « tsapiky » qui dans les brousses ont largement la cote au niveau des communautés. Je me réfère aux croyances ancestrales qui font des forêts, d’une espèce, d’un arbre ou d’un animal fady  et leur confèrent un aspect « sacré ». Autrefois si ce caractère sacré de quelque chose (lieu, arbre …) est profané quelque soit la raison, des réparations d’envergure sont obligatoires (par exemple le « joro » où on sacrifie au moins un zébu) au risque d’une répercussion au niveau personnel, familial ou même communautaire. Ainsi, par ces croyances et ces coutumes, pendant longtemps, la sauvegarde de différents lieux et espèces par le « fadin-drazana» ou tabou ancestral a eu un grand impact dans une sorte de conservation indirecte (forêts sacrées ou « alafaly » ; lacs et marécages habités par des esprits ; arbres sacrés d’une ethnie etc.)
Mais quel rapport avec le village de Soahany? Les Sakalava sont l’un des ethnies Malagasy habitant la région Melaky. La culture Sakalava concède un caractère sacré au « kily » (le tamarinier) D’un point de vue général, ce n’est qu’une espèce, un arbre ordinaire, et même très commun au niveau national. Cependant pour cette ethnie, cet arbre représente les liens forts avec les ancêtres. C’est un arbre sacré et un arbre ancestral où lors des grandes cérémonies cultures, des  joro  et des sanctifications y sont effectuées. Dans le passé, grimper sur un tamarinier sacré, en cueillir les fruits, ou au pire des cas, avoir fait ses besoins à proximité (sans le savoir bien sur) peuvent être source de malédiction ou de poursuite par la « famille gardienne  de l’arbre ». Les impacts des actes vont du rite de purification à partir d’un  joro ou condamnation à mort au cas où on n’a pas l’humilité d’accepter les arrangements (cas presque improbable, il y a toujours des consensus) Mais tout cela c’était avant…
Lors de notre présence à Soahany, le  kily  n’a plus réellement sa place au sein de la culture. D’un côté, il y a l’influence des cultures d’ailleurs (des autres ethnies ou même d’autres nations), et de l’autre côté, en raison de la situation socio-économique liée à la pauvreté et les besoins quotidiens. Aussi incroyable que cela puisse être, maintenant ce sont les locaux qui exploitent l’espèce ! Pourquoi ? Le charbon bien sûr, qui est une source rapide de revenu ! Si les mœurs d’antan ont protégé les tamariniers, la pauvreté d’aujourd’hui entraîne leur exploitation irrationnelle. Évidemment, l’espèce n’est pas une espèce protégée ou autre, mais cette réalité démontre bien que malgré tout, à un certain seuil de pauvreté « tous les moyens sont bons » pour survivre …
A chacun d’imaginer la suite ou une même situation sur des espèces menacées (comme les tortues) ou des zones à importances écologiques élevées (les zones humides)! Ce qui m’a marqué aussi concernant tout cela s’était la présence d’un beau grand figuier dans le village qui, en raison du besoin d’espace de construction, a vu plusieurs de ces branches coupées pour faire de la place (construire en dehors du village est un risque élevé au niveau de la sécurité) Pour moi, ces sacrilèges culturels entraînent les sacrilèges écologiques et c’est triste !
En tant qu’environnementaliste, je me suis pose un certain nombre de questions concernant le genre de situation que j’ai narré. Dans l’ensemble, si la culture peut contribuer à la protection de la nature et même à sa bonne gestion, n’est-il pas le moment de l’inclure dans les programmes et les processus de conservation ? Le « pourquoi » a déjà la réponse, le « comment » reste à définir au dépend de la spécificité de chaque contexte local ! De plus, la valorisation culturelle pourrait renforcer d’autres projets comme l’écotourisme, l’artisanat et même le débouché pour certains produits locaux, comme le poisson fumé dans le cas de Soahany ! Ainsi je pense qu’il est tout à fait acceptable de dire qu’entre culture et besoins un lien pour la conservation peut exister. Arrêter la dégradation de l’environnement et faire en sorte qu’humains et nature puissent vivre en harmonie n’est pas qu’une utopie!