Maminiaina Rasamoelina: "Je suis à l'abri de la routine"
Interview express avec le responsable du Programme holistique de conservation des forêts.
Maminiaina Rasamoelina planting trees in Madagascar. © WWF

Maminiaina Rasamoelina, le responsable du Programme holistique de conservation des forêts, est titulaire d’un doctorat en foresterie. Il est né il y a bientôt trente-trois ans à Antsirabé.

Dans cette grande ville située à quelque 160 kilomètres au sud d’Antananarivo, le contact direct avec la nature n’est pas évident et ses premières années sont donc plutôt urbaines.

De son enfance, Maminiaina garde cependant le souvenir d’une fascination pour les documentaires animaliers.

« Les films sur les grands fauves, les éléphants, les ours, les aigles ou les requins me collaient littéralement devant l’écran de la TV, » se rappelle-t-il.

Et à l’école, quelles étaient vos disciplines préférées ?

J’aimais particulièrement les sciences naturelles parce que j’apprenais beaucoup de choses pratiques que je pouvais ensuite vérifier dans la vie quotidienne. J’appréciais aussi la physique et la chimie parce que ce sont des branches basées essentiellement sur la logique, une approche qui m’a toujours convenu. En revanche, les maths étaient trop abstraites à mon goût, même si je me débrouillais plutôt bien dans ce domaine. Ensuite, à l’université, je me suis intéressé à la psychologie, notamment la psychologie sociale. C’est devenu une de mes matières préférées durant tout mon cursus : comprendre le comportement des gens, ce qui les pousse à agir de telle ou telle manière face a telle ou telle situation. Les théories à propos de l’existence de limites sur les ressources naturelles (« survivalist theory »)  et du développement indéfini (« promethean theory ») m’ont aussi captivé.

Adolescent, à quel métier vous destiniez-vous ?
Adolescent, je voulais devenir soit pilote, soit pédiatre. Je ne suis devenu ni l’un, ni l’autre !

Mais forestier…

Oui, j’étudiais la foresterie à l’université et je voulais poursuivre ma carrière dans le domaine de la conservation de la faune et de la flore malgache. Mais j’ai réalisé au cours de ma formation puis lors de mes premières expériences sur le terrain qu’il n’était pas réaliste d’obliger des personnes souvent sans ressources à ne pas toucher à la forêt. J’ai donc aussi voulu étudier le côté social et économique des choses. Grâce à une bourse d’études, j’ai pu faire un doctorat aux Etats-Unis sur la dimension humaine de la foresterie, combinant la conservation et ses aspects socio-économiques. Parallèlement, j’ai travaillé en tant qu’enseignant-chercheur assistant à l’Oregon State University sur des projets qui lient les petits propriétaires forestiers et le monde de la recherche forestière fondamentale.

Comment en êtes-vous venu à travailler pour le WWF?

Je ne peux m’investir que pour une cause ou une organisation dont je partage l’approche. En matière de foresterie, trois mots résument la philosophie du WWF : protection, gestion et restauration. J’ai la même vision de la conservation. L’autre motivation c’est que le WWF a une envergure et une réputation mondiales et mon travail peut donc potentiellement être adapté et bénéficier à d’autres communautés, d’autres régions ou d’autres pays.

Qu’est-ce que vous préférez dans votre travail au WWF ?

Ce que je préfère, c’est que je peux développer de nouvelles connaissances chaque jour, je suis ainsi à l’abri de la routine.

Et ce que vous aimez moins ?

À ce stade, les imprévus du terrain qui peuvent chambouler le planning.

Quelles sont les qualités indispensables pour faire ce travail ?

Il faut d’abord aimer passionnément la nature. Ensuite, il s’agit d’être ouvert d’esprit pour comprendre les différents comportements. Enfin, il est indispensable d’avoir le goût du travail en équipe, de savoir écouter les autres et exprimer ses propres idées, d’être flexible et prêt à ne pas compter ses heures.

Comment voyez-vous l’avenir du projet dont vous vous occupez, ses atouts, les défis à venir ?

C’est le quatrième projet-pilote REDD (réduction des émissions de la déforestation et de la dégradation des forêts) à Madagascar et, si tout se passe bien, il apportera certainement une base scientifique solide et vérifiable pour mieux définir le scénario de référence (« baseline ») et partant de là, estimer avec davantage de précision la quantité d’émissions de carbone qu’on aura pu éviter ou séquestrer avec les activités planifiées. Par rapport aux autres, ce projet devrait aussi permettre d’avoir une meilleure idée du stock total de carbone contenu dans la zone qu’il couvre, car nous tiendrons compte du carbone du sol, de la litière, de la matière organique morte, voire de la biomasse souterraine (pas seulement de la biomasse aérienne). Dans une première étape, nous devrons faire des projections d’après des modélisations mathématiques, où nous comparons la situation avec le projet et celle sans. Ensuite il faudra ajuster ces projections en fonction des résultats constatés sur le terrain, ce qui prendra beaucoup de temps. Le défi majeur est là.