Une bonne nouvelle, vraiment ?

Posted on 19 août 2020

Bienvenue à Microcebus jonahi – une toute nouvelle espèce de lémurien, plus précisément de microcèbe qui vient d’être découverte par les scientifiques !
Ce nouveau petit lémurien aux grands yeux a été nommé d’après un illustre primatologue malagasy, que j’ai l’honneur de compter parmi mes collègues et amis de longue date. « Une bonne nouvelle en ces temps difficiles » c’est ainsi que cette découverte a été présentée. En effet, avec ce nouveau venu nous avons 25 espèces de microcèbes et 113 espèces de lémuriens …c’est tout de même  près d’un quart des espèces de primates au monde qui ne vivent que sur notre île !

Mais… pardonnez mon cynisme, une bonne nouvelle vraiment ? Quand l’IUCN vient de classer trente-trois - soit un tiers - des espèces de lémuriens comme étant en danger critique d’extinction, la catégorie la plus élevée en termes de risque d’extinction, et que 98% de tous les lémuriens sont classés « en danger »? En 2020, ce sont treize espèces de lémuriens qui ont vu leur statut de conservation se dégrader, principalement à cause des pressions humaines sur leur habitat naturel.

M. jonahi vit dans un bout de forêt de basse altitude de quelques 1.500 km2 au sein du Parc National de Mananara-Nord. Les forêts de basse altitude sont l’écosystème forestier le plus menacé à Madagascar, car le plus peuplé et donc le plus sujet à la conversion en terrains de culture, la coupe pour la production de bois de construction ou de chauffe, et faut-il le rappeler, Mananara-Nord a longtemps été l’un des parcs touchés par l’exploitation illicite de bois précieux. Sans compter que la chasse reste une menace réelle pour tous les lémuriens et que quelques 25 milliers d’individus seraient actuellement élevés en captivité comme des animaux domestiques.
 
Sitôt découvert, M. jonahi pourrait sitôt rejoindre ses congénères dans la liste rouge de l’IUCN. Surtout si on ajoute à toutes ces pressions celles qui viendront – viennent déjà – du changement climatique. Autrefois, le fait de protéger l’habitat d’une espèce dans une aire protégée était une forte garantie de survie pour cette espèce ; mais avec le changement climatique il va falloir repenser les aires protégées pour qu’elles soient plus résilientes, pour qu’elles soient mieux connectées les unes aux autres pour permettre aux animaux de se déplacer et trouver des habitats plus propices et qu’elles aient les moyens adéquats pour leur gestion. Il va aussi surtout falloir accélérer le développement économique et social des populations vivant à proximité de ces aires protégées pour qu’elles puissent vivre dignement sans détruire la nature et faire face aux impacts de futurs aléas climatiques.
 
Reste-t-il de l’espoir pour M. jonahi ? La crise sanitaire mondiale a réveillé les consciences sur le rôle fondamental de la nature pour garantir la bonne santé des hommes et femmes ; les concertations avancent pour un nouveau cadre mondial pour la biodiversité pour la prochaine décennie.  En tant que pays abritant 25% des primates du monde, Madagascar se doit d’y prendre part activement et de renforcer son propre cadre national pour la biodiversité  et ses engagements sur le climat pour inclure les aires protégées et mener à une action de conservation réellement efficace. Ce serait la lueur d’espoir dont M. jonahi a besoin !
 
Article d’opinion – Nanie Ratsifandrihamanana